• Brodeuse de l' histoire





    Denise Morel, co-autrice des Brodeuses de l'Histoire, un roman sur la tapisserie de Bayeux, nous offre un extrait de son livre:



     

    "Broderie, d’aussi loin qu’il m’en souvienne, ma jeune vie s’est brodée à petits points. Des laids, des malhabiles, des mal venus comptés et recomptés, défaits, refaits, jamais parfaits. Puis, jour après jour ils devinrent gracieux et plus harmonieux, en bon accord avec ce qu’ils devaient être, chacun, l’un après l’autre, l’un près de l’autre, les petits sujets d’une seule chorale chantant la beauté.   
    Un trait de pinceau n’a pas plus de sens qu’un point de broderie seul, mais s’ils sont des milliers disposés avec grâce par le talent de l’artiste, le plaisir de l’œil peut atteindre le bonheur. Pour me donner cœur à l’ouvrage, ma mère me répétait cela souventes fois. J’eus de nombreux bonheurs, des modestes, petits comme ma paume, puis plus grands, à mesure que s’affinait mon savoir-faire. Pour sûr, j’aurais aimé les garder pour moi, ces petites œuvres, mais elles n’étaient que commandes, et je devais leur dire adieu, aussitôt que finies. Pour moi, la récompense était d’avoir gagné quelque argent pour ma famille.



    Il fut long et difficile le chemin qui me mena jusqu’ici. J’avais six ans à peine que déjà ma mère me mettait entre les mains une aiguille et un morceau d’étoffe. Mes doigts à la peau encore si tendre ont gardé longtemps en mémoire le toucher rugueux de ce carré de chanvre. Avec une aiguille à bout rond je devais apprivoiser la matière: dessus, dessous, le fil de laine à gauche, à droite les points, l’ouvrage toujours plus compliqué.


    Pour économiser la laine et le tissu, pauvre Pénélope, je défaisais le soir, ce que le jour j’avais brodé. Je me couchais les yeux brûlés par la fumée de la chandelle de suif, les doigts gourds de froid, blessés par le frottement de la toile et les piqûres de l’aiguille. Le lendemain, je recommençais. Passent les jours, passent les ans, longue patience des brodeuses…
    J’avais oublié depuis longtemps les douleurs de l’apprentissage, et du dé je me servais seulement lorsque les étoffes étaient très épaisses. Quel plaisir c’était, lorsqu’à la belle saison, je m’installais dehors, dans les champs, avec mon tambour ou mon métier ! Azur du ciel, caresse du soleil sur ma peau, odeur et couleurs de la nature: à chaque point, j’enfermais cela sur ma toile."



    Denise Morel et Marie France Leclainche,
    Les Brodeuses de l'Histoire,Coop Breizh, 2006.


    Pour en savoir plus sur l'écriture de ce livre, ou sur la tapisserie de Bayeux...
    http://tapisseriebayeux.over-blog.com



    Je vous souhaite une bonne soirée !    J'aime beaucoup les anciennes publicités , c'est ma façon de vous dire au revoir




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