• poésie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ROSE

     

    Je ne songeais pas à Rose ;
    Rose au bois vint avec moi ;
    Nous parlions de quelque chose,
    Mais je ne sais plus de quoi.
    *
    J’étais froid comme les marbres ;
    Je marchais à pas distraits ;
    Je parlais des fleurs, des arbres ;
    Son œil semblait dire : « Après ? »
    *
    La rosée offrait ses perles,
    Les taillis ses parasols ;
    J’allais ; j’écoutais les merles,
    Et Rose les rossignols.
    *
    Moi, seize ans, et l’air morose.
    Elle vingt ; ses yeux brillaient.
    Les rossignols chantaient Rose
    Et les merles me sifflaient.
    *
    Rose, droite sur ses hanches,
    Leva son beau bras tremblant
    Pour prendre une mûre aux branches ;
    Je ne vis pas son bras blanc.
    *
    Une eau courait, fraîche et creuse,
    Sur les mousses de velours ;
    Et la nature amoureuse
    Dormait dans les grands bois sourds.
    *
    Rose défit sa chaussure,
    Et mit, d’un air ingénu,
    Son petit pied dans l’eau pure ;
    Je ne vis pas son pied nu.
    *
    Je ne savais que lui dire ;
    Je la suivais dans le bois,
    La voyant parfois sourire
    Et soupirer quelquefois.
    *
    Je ne vis qu’elle était belle
    Qu’en sortant des grands bois sourds.
    « Soit ; n’y pensons plus ! » dit-elle.
    Depuis, j’y pense toujours.

     

    (Victor Hugo. Les Contemplations, 1856).

     

     

     

     

     

     Bonne soirée  en écoutant le chant du rossignol et faites de beaux rêves.

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