-
Par Vinvella le 3 Décembre 2010 à 14:26Vieille chanson du jeune tempsJe ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres ;
Son oeil semblait dire : Après ??
La rosée offrait ses perles,
Les taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l'air morose.
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches ;
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure ;
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
- Soit ; n'y pensons plus ! dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.
Victor Hugo
votre commentaire -
Par Vinvella le 16 Novembre 2010 à 16:35
QUI VONT A L'ENTERREMENT
A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes ressuscitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voilà le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L'autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C'est moi qui vous le dis
Ça noircit le blanc de l’œil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueil
C'est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent à chanter
A chanter à tue-tête
La vraie chanson vivante
La chanson de l'été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C'est un très joli soir
Un joli soir d'été
Et les deux escargots
S'en retournent chez eux
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un p'tit peu
Mais là-haut dans le ciel
La lune veille sur eux.
Jacques Prévert
votre commentaire -
Par Vinvella le 17 Octobre 2010 à 14:41
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pasTon museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.Pourquoi cette sérénité?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnant et blèmes,
Passer le printemps et l'été?Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s'efface,Où va la pensée, où s'en vont
Les défuntes splendeurs charnelles? ...
Chatte, détourne tes prunelles;
J'y trouve trop de noir au fond.Charles Cros
votre commentaire -
Par Vinvella le 10 Octobre 2010 à 14:21
Je suis comme je suis
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j'ai envie de rire
oui je ris aux éclats
J'aime celui qui m'aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n'est pas le même
Que j'aime à chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moiJe suis faite pour plaire
Et n'y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu'est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu'est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m'est arrivé
Oui j'ai aimé quelqu'un
Oui quelqu'un m'a aimée
Comme les enfants qui s'aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer...
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n'y puis rien changer.
Prévert Jacques
votre commentaire -
Par Vinvella le 28 Septembre 2010 à 21:29Paysage d'octobreLes nuages sont revenus
Et la treille qu'on a saignée
Tord ses longs bras maigres et nus
Sur la muraille renfrognée ;
La brume a terni les blancheurs
Et cassé les fils de la Vierge
Et le vol des martins-pêcheurs
Ne frissonne plus sur la berge.
Les arbres se sont rabougris,
La chaumière ferme sa porte,
Et le joli papillon gris
A fait place à la feuille morte.
Plus de nénuphars sur l'étang :
L'herbe languit, l'insecte râle,
Et l'hirondelle, en sanglotant,
Disparaît à l'horizon pâle.
Près de la rivière aux gardons
Qui clapote sous les vieux aunes,
Le baudet cherche les chardons
Que rognaient si bien ses dents jaunes.
Mais comme le bleuet des blés,
Comme la mousse et la fougère,
Les grands chardons s'en sont allés,
Avec la brise et la bergère.
Dans les taillis voisins des rocs
La bécasse fait sa rentrée.
Les corneilles autour des socs
Piétinent la terre éventrée.
Et décharné comme un fagot,
Le peuplier morne et funèbre
Arbore son nid de margot
Sur le ciel blanc qui s'enténèbre.
Au-dessus des vallons déserts
Où les mares se sont accrues,
A tire-d'aile dans les airs
Passe le triangle des grues.
Et la vieille, au bord du lavoir,
Avec des yeux qui se désolent,
Les regarde fuir et croit voir
Les derniers beaux jours qui s'envolent.
Maurice Rollinat
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique